La tribu Zayane et sa Culture

La tribu Zayane et sa Culture

LES ZAYANES

Les Zayanes appartiennent au grand groupe ethnique des Aït Oumalou, les fils de l’ombre – c’est-à-dire habitant sur le côté nord et boisé du Moyen atlas, installés dans la région de Khénifra, au centre du Maroc, anciennement Fazaz, nom donné par les chroniqueurs du Moyen Âge, le Fazaz est une aire géographique aux contours mal définis.

Selon des manuscrits trouvés à la Zaouïa de Sidi Boukil, les Zayane nomadisaient vers l’an 1004 dans les plaines d’Ighf Aman au Nord-Ouest de l’actuelle ville de Rich, il existe encore une colline qui porte leur nom Taourirt n’Izayan.

La tribu Zayane est réputée pour son attachement à sa terre ancestrale, à son organisation sociale rudimentaire et à son indépendance, depuis l’installation de ce peuple vers le Xe siècle et sa ténacité guerrière, contre les différentes expéditions organisées par les sultans Almoravides et Alaouites dans le cadre de pacification des tribus berbères en perpétuelle révolution contre le pouvoir central du Makhzen.

Lors de la colonisation, le contingent des Zayanes avait démontré sa qualité combattante sous la conduite de Mouha ou Hammou Zayani. C’est ainsi qu’ils ont empêché les colons de s’emparer facilement de Khénifra. Malgré la défaite française dans la bataille d’Elhri, le 13 novembre 1914, les stratèges de la colonisation furent déterminés à ne pas abandonner la lutte contre les Zayanes, qui constituaient une poche de résistance contre le colonisateur. Ce bastion de la rébellion inquiétait les troupes françaises qui au début la campagne du Maroc (1907-1914), évitaient d’entrer en confrontation directe avec le contingent des Zayanes selon les instructions du général Lyautey et d’autres chefs militaires comme Charles Mangin qui ont mené la campagne du Maroc.

Au Maroc, les Zayanes vivent dans les montagnes, leur espace vital qui va de la grande cédraie d’Ajdir jusqu’à Boujaad. La culture Zayane fait partie de la grande culture berbère, avec ses spécificités qui la distinguent des autres cultures. La langue n’a pas subi d’influences d’acculturation profondes. Les berbères Zayanes ne disposent pas d’archives écrites témoignant de l’usage de l’alphabet écrit : le Tifinaghe. Néanmoins, l’écriture berbère est un fait indiscutable. Le langage véhiculé au Moyen Atlas central est le Tamazight, transmis oralement de génération en génération. Cette langue parlée par les Zayanes occupe une aire géographique importante du Maroc central. Elle appartient à l’une des branches de la grande famille linguistique chamito-sémitique, qui comprend le berbère, le sémitique, le couchitique (Afrique de l’Est), l’égyptien (ancien Siwa) et, à un moindre degré, le groupe « tchadique » (haoussa).

LA CULTURE ZAYANE

La société Zayane s’organise selon le principe du patriarcat. Le père joue un rôle primordial au sein de la famille, sans négliger le rôle de la femme qui bénéficie de certains avantages avant et pendant la colonisation : la femme du légendaire chef Rebel Mouha ou Hammou Zayani, a joué un rôle essentiel au côté de son mari.

Les tribus berbères ne pratiquent pas l’esclavagisme, par le principe qu’ils sont des « Imazighen », des hommes libres. La société berbère est bien structurée. À chacun de ses membres est assignée une tâche à accomplir. Traditionnellement, elle ne connaît pas le féodalisme. C’est suite l’instauration du protectorat, qu’une nouvelle classe de propriétaires terriens voit le jour en guise de récompense à leur collaboration avec les colons, au détriment des populations insoumises.

Les premiers berbères Zayanes ne pratiquaient pas la construction en dur au vu de leur caractère pastoral, en perpétuel déplacement à la recherche de l’eau et des pâturages. Ils habitaient dans des tentes tissées en poils de chèvres. Hermétiques, elles supportaient le froid le plus rigoureux. L’introduction du système capitaliste lors de la colonisation, change le mode de vie d’une grande partie de la population. Les Amazigh se sédentarise progressivement. Aujourd’hui, les tentes sont plus souvent utilisées lors des manifestations (fêtes, Fantasias…).
Une infime partie de la population restée nomade utilise encore ce mode d’habitation.

Dans la culture et la tradition des berbères Zayane, le cheval représente un symbole rituel, qui s’enracine dans leur tradition guerrière. Cette tradition virtuose est personnifiée dans la fantasia5, rendue célèbre par les fameux tableaux d’Eugène Delacroix (1831). La fantasia est l’expression artistique qui rappelle le glorieux passé guerrier, qui stimule l’inconscient par l’odeur du Baroud et de la poussière embaumant l’esprit du spectateur et le fait entrer en transe. L’art de la fantasia réunit trois symboles berbères, fondements de leur culture : le cheval, symbole de l’indépendance et de la force ; le fusil qui, par son feu, maintient la liberté ; et la femme, sans elle la tribu s’éteindrait. Malheureusement la fantasia est vue comme un produit de consommation touristique et non comme tradition ancestrale qui reproduirait les glorieux assauts de la tactique militaires berbères, une vive retraite succédait à une attaque fulgurante.

Les cavaliers (Imnayen en Tamazight) répondent à des critères spécifiques à savoir :

Le dressage des chevaux, La monture du cheval, La maîtrise du déroulement de la parade dans un enchaînement cohérent et Le respect du tir simultané.Ces prouesses exigent la possession d’une technique équestre rigoureuse, du courage et de l’habileté. La tenue du cavalier doit être conforme aux habitudes vestimentaires de la région. Les berbères Zayanes ont aussi gardé une des plus vieilles pratiques culturelles, à savoir l’ahidous, qui consiste en un mélange de danses, de chants et de joutes poétiques. Celui-ci se pratique dans un cercle : les hommes et les femmes dansent, chantent, en se renvoyant des izlan — sortes de poèmes —, et au milieu du cercle, les enfants jouent et écoutent.

La femme berbère en général est un artisan qui vénère la laine depuis la toison jusqu’au stade final de la fabrication de son objet du plus simple au plus complexe. Elle est douée et fait appel à ses facultés sensorielles, esthétiques et artistiques.

Le tapis berbère est l’expression de la créativité de la femme amazigh, il s’agit là d’une symbolique à décrypter qui a fait l’objet de nombreuses recherches comme le cas de Paul Vandenbroeck qui écrit un ouvrage remarquable sur le tapis « l’art des femmes berbères ». Le tapis berbère prend une dimension expressive pour chaque tribu : on peut donc parler du tapis Zayani, Attaoui, Zemmouri, M’guildi, etc.

La cuisine berbère a peu évolué au cours des temps. Elle est basée essentiellement sur le blé, l’orge, le maïs, produits laitiers, le miel et la viande.Les Zayanes ne sont pas des agriculteurs mais des nomades pasteurs pratiquant l’élevage pour subvenir à leurs besoins (lait, beurre, viande, laine, poil de chèvre, peau). Ils sont des chasseurs, ils apprécient la perdrix, le chacal, le loup, le renard, le hérisson, le sanglier (très présent dans les hauteurs montagneuses), etc.

Leurs principaux aliments sont : Le pain fait à la levure traditionnelle ; Le bouchiar (galette fine sans levure imbibée de beurre et de miel naturel) ; Le baghrir (crêpe faite à base de farine, des œufs, de la levure et du sel) ; Le Tahricht (à base de tripes : ganglions, trépigne, poumon, cœur : ces ingrédients enroulés avec les intestins sur un bâton de chêne qui sera cuit sur braise) ; Le Méchoui nommé Barram-Ighouss cuit spécialement dans un four spécial ; Le lait comme aliment de base

La Kasbah de Moha ou Hammou

À l’entrée de la ville de Khénifra, sur la rive de l’Oum er-Rbia, près du pont de Moulay Ismaïl, une kasbah aujourd’hui en ruine, rappelle l’épopée du chef berbère Moha Ou Hamou Zayani. Cette immense bâtisse a servi de quartier général au résistant légendaire, opposant farouche à l’occupation française. La Kasbah de Moha ou Hamou Zayani qui date du XIXe est bâtie par le sultan Almoravide Ibnou Tachfine. Elle est restaurée par le sultan Alaouite Moulay Ismaïl en 1688, dans le cadre de la construction de l’axe stratégique allant de Meknès en passant par Azrou, Khénifra, jusqu’à Marrakech. L’histoire architecturale (entre autres) de la ville de Khénifra se base principalement sur deux monuments : la Kasbah de Moha ou Hamou et le pont construit probablement à la même époque. Ces deux monuments historiques sont d’ailleurs les seuls existant encore aujourd’hui. Ils sont classés patrimoine national par le Ministère de la Culture.

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